Jeudi 23 février 12h00
Pour Chatteland, elles sont parmi nous, l’exposition d’Anne-Sophie Yacono aux Beaux-Arts Nantes du 26 janvier au 17 février 2023.
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(Je dois admettre que le jour où nous avons rencontré Marie-Paule et Marie pour qu’elles nous proposent ce projet je n’étais pas dans mon assiette. J’étais assise en face d’elle dans un chouette bar nantais, j’avais le moral dans les chaussettes. Et la perspective de couvrir l’événement Être un homme du Grand T m’apparaissait à cet instant vraiment comme vertigineux. Mais quand Marie-Paule nous a fait feuilleter le programme de l’événement et que mes yeux se sont posés sur la description de l’expo Chatteland aux Beaux-Arts de Nantes par Anne-Sophie Yacono, une soudaine vague d’enthousiasme m’a inondée et aujourd’hui je suis fière de vous annoncer que mon instinct est tout à fait fonctionnel, car je suis ravie d’avoir l’opportunité de vous faire un retour d’expo sur Chatteland et je tiens donc à vous remercier Marie Paule et Marie d’avoir cru en nous et de nous avoir proposé de réaliser ce trop chouette projet.
Sans plus de suspens voici mon feedback, avant toute chose, il est nécessaire de vous présenter l’univers dans lequel Anne-Sophie Yacono nous fait embarquer avec Chatteland, parce que c’est tout simplement mais ouffissime.)
Inspiré par la science-fiction et par les représentations souvent violentes et hétéronormées de la sexualité dans le porno, elle a créé cet univers à mi-chemin entre le pays des merveilles, le monde aquatique, la jungle et les enfers. Un monde parallèle où il faudrait payer un dû ou carrément faire un sacrifice pour pouvoir y accéder comme, je cite, ‘’le bol à Charron pour le passage vers l’au-delà dans la mythologie gréco-romaine’’.
Dans cet univers, on découvre des couleurs organiques et sucrées qui rappellent l’univers des bonbons comme le mauve, le rose, le orange, le rouge et le jaune qui dominent largement la palette. Ce choix de couleurs, m’explique-t-elle, renvoie aussi aux stéréotypes de genre de ce qui est traditionnellement attribué au féminin et qui ici vient contraster avec l’ambiance un poil glauque et horrifique qui émane des œuvres.
Les stars de ce monde parallèle ne sont autres que les créatures qui le peuplent, des animaux, plantes, coraux, tantôt rampants et grouillants, représentés par des pénis, petits êtres s’apparentant à des hétérocongres : ces poissons qui creusent des trous au fond de l’océan et qui ne laissent émerger qu’une partie de leur corps ; et tantôt des plantes carnivores ou des roses envoutantes mêlant horreur et beauté représentées par des vulves.
En termes de technicité artistique, on est sur du haut vol, Anne-Sophie utilise beaucoup de matériaux différents dans ses œuvres : de la céramique émaillée, du bois sculpté, de la peinture acrylique ou à l’huile, du cuivre. Bref, elle passe un temps fou a donné ces aspects organiques vraiment fantastiques à ses œuvres, qu’elle travaille tant au pinceau, qu’au ciseau à bois ou au chalumeau, qu’elle grave, vernis et taille elle-même.
Elle ne m’a pas dit combien de temps précisément lui prenait la réalisation d’une œuvre, mais clairement on peut dire qu’on est sur un travail monstrueux, sans mauvais jeu de mots.
Maintenant que je vous ai décrit le concept qu’est Chatteland je vais vous présenter mes deux chouchous parmi les 20 phénomènes qui peuplent ce monde parallèle, à commencer par la première sur laquelle j’ai posé mes yeux, ou devrais-je dire qui s’est imposée à moi. En effet, je ne m’attendais pas à tomber sur Iron Maiden en franchissant les portes de Chatteland, mais la surprise bien que de taille fût appréciée.
Bien sûr, je ne parle pas du mythique groupe de heavy métal, mais plutôt d‘une sculpture imposante, de 2,6m de de haut, sur 1,16m de large, pour 40 centimètres de profondeur, faite en faïence émaillée, huile sur toile et acrylique sur fer.
Donc la bête qui nous fait face en pénétrant dans Chatteland est une vulve aux petites lèvres, d’un rosé crème mauve délicat, composée de petits pétales de fleurs qui est elle-même entourée d’une arche gigantesque inversée, donc à l’envers, au large pétale d’un rose fuchsia aussi vibrant et voluptueux que ceux d’un camélia en mai.
A la seconde où j’ai posé mes yeux sur elle, j’ai su que j’allais passer un moment extraordinaire dans cet étrange jardin. Cette fleur-vulve géante m’a fait immédiatement penser à une majestueuse plante carnivore, à la fois élégante, attirante, imposante et un peu flippante je dois l’avouer. J’ai retrouvé une sorte de mise en garde, quelque chose de déifique aussi, comme la sculpture d’une ancienne divinité oubliée.
Derrière cette créature mystique, j’ai un peu plus tard fait la rencontre de notre deuxième protagoniste Akira : sur une feuille de papier de 2,30m sur 1,47m, dessinée aux crayons de couleurs dans des tons roses, rouges, orangés, on est comme happé par une scène à la fois et oppressante intrigante.
Au milieu d’une épaisse végétation touffue, éclot un bourgeon de vulve d’un rouge superbe, encerclé de pénis rampants vers lui comme attirés par sa présence. Donc, le contraste entre la délicatesse, le mysticisme, la majesté du bourgeon, en fait, de la vulve comparée à la masse invasive et rampante des pénis aliènes, rend l’œuvre vraiment poignante. On ne sait pas s’ils sont fascinés comme appelés par ce bourgeon ou s’ils se projettent de l’envahir et cette incertitude à générer une sorte d’angoisse sourde, mêlée admiration chez moi. J’ai trouvé cette œuvre à la fois perturbante et magnifique, c’était une expérience clairement unique d’être face à ce tableau.
(Après ma déambulation dans cet autre monde j’ai donc eu la chance de discuter un peu avec sa créatrice et j’ai découvert une personne vraiment gentille, cultivée et ouverte à l’échange en elle, c’était un vrai plaisir d’en apprendre plus sur ses inspirations et ses méthodes de travail.
En tout cas si le message n’est pas assez clair je précise c’était génial, j’ai adoré. Vous avez jusqu’au 17 pour foncer voir cette expo hors norme, gratuitement aux Beaux-Arts de Nantes et pénétrer dans ce monde parallèle. Alors, dépêchez-vous s’il n’est pas déjà trop tard, vous pouvez aussi retrouvez Anne Sophie Yacono sur son site internet annesophieyacono.fr et sur son Instagram @annesophieyacono.)