Pochette de l’album fictif de Chatteland : The World Extends

Genre musical : Hystorical Pinked hexed core

Impression sérigraphie multicolore

Track list :

Intro : swallowing lips

Born in hell

demonic pussy battle

Reign in blood

Hyaz friss pel (phonétique)

Getting away from the ocean of chatteland

Testosterone redemption

Testicule rapist – ode part I

Gruytpol if spaaasf (phonétique)

Happy friendship

Ecological dildo

Sfilialorrch ignallissfa lourisiaë (phonétique)

Chattounettomorphosis

Testicule rapist – ode part II and ending

The world extends

Chronique :

On ne présente plus le groupe Chatteland : absolument sur toutes les lèvres, entre tous les doigts, dans chacun de nos esprits et de nos corps. Originaires des régions frontalières de Plug City, les musiciennes d‘hystorical pinked hexed core, que nous connaissons toutes, nous ont livrées leur premier émoi dès l’an 69 de la 4ème menstrue.

A la fois sordide, ému, violent, tendre, épique et volubile, « the world extends », à l’avant garde du postérieur, nous laisse sans voix et nous fait transpirer de transcendance gluante. Son écoute est au point d’orgue de l’orchestre pornographique.

Cette galette retrace l’histoire de l’Histoire avec la plus grande fiabilité, suggérant des grandes guerres vulvoniques aux paysages humides aventureux en passant par la viralité de l’absorption générale, et cela, en sécrétant de la meilleure des manières les morceaux alternativement en anglais mais aussi en vieux chattois antique.

C’est sans crainte et avec fierté que nous entrons au point sus-G :

Une entrée sonique fracassante d’emblée nous tombe dessus sans crier garde : une langue de blast vient nous attraper et nous faire dégouliner dans un couloir de gammes polyrythmiques entrelacées indéfinissables semblant sans fin. Quelle introduction ! Nous sommes absorbées et sucées par le bruit suintant et gratouillant des instruments, qu’on sait fabriqués avec du bois travaillé pendant des heures à la cyprine du tout premier orifice de Chatteland (oui, ce groupe est à l’origine de la création de leur instruments et a pour légende de créer ceux-ci exclusivement avec leur corps comme matière première).

Avec la piste born in hell, nous avons un ensemble assez rassurant de cris éraillés aigus fort agréables à l’oreille surmontés de curieux instruments à vents et des bruits de morceaux de métal semblant en contact avec la chair. Un refrain très entraînant qu’on ne peut retirer aisément de son esprit. Une série de croches crissantes à l’unisson que nous n’oublierons pas de si tôt ! Chatteland montre ici que la manière de désaccorder leurs instruments crée une nouvelle façon de jouer des accords de pouvoir (power chords en anglais) en créant des accords de jouissance. Les limites de l’arpège sont ici repoussées à chaque instant jusqu’à décoller notre âme de notre corps !

Avec demonic pussy battle et reign in blood nous avons les meilleurs tubes jamais créés au monde. Ces morceaux jutent littéralement le son sur les murs, ils coulent dans l’oreille et cela sans coller. La fluidité de ces morceaux est éblouissante, c’est comme ça qu’a été défini le « pink noise » si important dans la création musicale. Les paroles en anglais permettent une diffusion claire d’un propos quasi endomèchrist : la mère, la fille et le sein-de-prix y sont à la fois si multiples et si fondues. Le tempo asymétrique est impossible à suivre en tapant des mains et nous donne l’impression d’être dans une jam session ayant tourné en mayonnaise. Ces pistes relatent de manière claire les exploits épiques des déesses chattes et leurs années de souveraineté sur le monde.

Getting away from the ocean of chatteland est, comme son nom l’indique, une revisite pénétrante de la fugue classique. Ce morceau mélange des accords à corps interdits avec un scat plus proche du squirt que du glissando. Il semblerait traiter des entités « peniales » (mot en anglais) qui chercheraient à s’échapper d’un océan-ghetto où elles seraient contraintes de s’y entretuer pour survivre. Il s’agit là d’une vraie démonstration de maestria de la mesure et du désespoir : nos ancêtres regrettent toujours de n’avoir jamais pu voir ce morceau exécuté en concert (en effet Chatteland est l’un des mystères de la musique en matière d’interprètes, jamais de concert, personne n’a jamais su qui étaient les musiciennes).

Je voudrais parler maintenant des « parenthèses » de l’album, soit des morceaux chantés en vieux chattois qui le ponctuent. Ces pistes comportent d’ailleurs des passages en sourdine audibles uniquement dans certaines conditions de chaleur et d’humidités de la pièce où vous les écoutez (voir recommandations d’écoute à l’arrière de la pochette).

Ces  énigmatiques chansons, dont la mélopée véhicule de suaves promesses sexuelles, ici transcrites en phonétique, dont le sens nous est compréhensible instinctivement par la force sensuelle des oreilles ainsi que celle du conduit intestinal, nous font penser à ce que nous appelons aujourd’hui la voix des sorcières : elles y sont racontées comme un modèle vers quoi tendre, des individus ayant une ambition de vie soutenue. L’aura de ces morceaux est sans appel. Comme des couleurs sur une palette en train d’être nettoyée, ils semblent s’étaler sans fin et se mélangent aux autres morceaux de l’album sensés les suivre et semblent imbriqués entre eux comme si ils étaient entre, autour et en eux. L’atmosphère apocalyptique mais rassurante qui s’en dégage est comme une multiplage avec des bikinis faits de kilomètres de ficelles cirées qui se sont bien serré votre peau sur une partition jouée sous la douche en mangeant des haricots verts marinés au curcuma des galapagos alors qu’on est en manque de shampoing, que la serviette est restée dans le salon avec notre belle famille qui nous attend de pied ferme pour aller à un enterrement. L’ostinato ici s’emballe dans la grand-messe fluviale de Chatteland.

La piste nommée Testosterone redemption est une vraie litanie jouée en triolet dans un quart de soupir. Morceau le plus rapide de l’album il reste plus difficile à analyser mais ce qu’on ressent est une vraie libération, comme un renouveau de l’espoir de la condition sexuelle évoquée dans Getting away from the ocean of chatteland.

Testicule rapist – ode part I & II est en deux morceaux, c’est un hymne national et  intercosmique. Prévue pour être scandée en continue par un maximum de personne, elle est facile à apprendre et a réinterpréter. Elle a une portée largement pédagogique et ne lésine pas pour s’incruster dans la culture du violon. Elle utilise une gamme pentatonique simple à prendre en main et propose une manipulation très peu conventionnelle du bottle neck que je vous laisse imaginer de vous-même après une écoute attentive et studieuse.

Happy friendship est le morceau facile d’accès. Son chant instrumental est alternativement « growlé » et régurgité en legato incontrôlé. Il donnera les bases de l’utérock classique ainsi que plus tard même au porn school commercial. Avec ses contrepoints de quintes et de tierces, il nous propose sans équivoque une sensation de joie étouffante, nous donnant l’envie d’expulser hors de notre corps nos organes dans les plus brefs délais. Les variations des effets de la pédale miaou-miaou nous mettent en transe ! Du vrai « graave » comme on aime pour danser avec des douleurs obstétricales au diapason.

Ecological dildo est une piste écrite en sexte et en saigna. Il s’agit ici d’un guide de beauté construit autour d’un fa-dièse terriblement perspicace. On imagine aisément une mise en scène d’une telle composition : des groupis en pleine raideur attendant de pouvoir tenter d’être utiles lors de l’assénement d’accords de pouvoirs de tritons en furie. Un swing propice aux pogos y est omniprésent, même si on peut dire qu’il s’agit le de la ballade la plus romantique de l’album.

Chattounetomorphosis est la chanson qui introduit presque le second LP « On est chez nous » (en français dans le texte) qui paraîtra en l’an 666 de la 8ème fausse couche. Elle parle clairement du plan d’attaque qui a été prévu par les déesses chattes afin de rentrer dans notre société et la contrôler : grâce à une contamination sournoise elle a répandu un système infaillible de domination qui s’étend à la fois au langage, aux mœurs, à la vie quotidienne, aux goûts et aux sentiments en atteignant le corps pour l’attaquer de front sur chacun de ses aspects. Le métronorme y est mis à jour et le diatonisme du début du morceau s’atténue pour atteindre le néant dans un diminuendo inquiétant.

En conclusion, il n’y a aucun doute là-dessus, the world extends est la référence pour aider dès le plus jeune âge à lutter contre les fluides instables de la mantitude. Son écoute est même référencée dans le rituel ancestral de la croissance et de l’accès à l’âge adulte. Récemment, dans un souci de partialité, j’ai pu recueillir les propos d’une jeune anglophone de l’autre bout du monde qui résume assez bien cet album et ses diverses subtilités, non sans garder une certaine sensibilité :

 « So much empowerment in this album I just got my period declared! All about the myths of chatteland like the legend told in phalopians riffs and chorus. An open call to abortion party ! »

chatteland the world extends

Photo : Anne-Sophie Yacono